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KENZO Takada De bonheur et de joie

Les éditions du chêne viennent de vous consacrer un livre pour vos 80 ans, offrant ainsi une rétrospective sur votre travail. Auriez-vous un moment particulièrement fort de votre carrière que vous aimeriez évoquer avec nous ?

Le jour où je suis parti de Yokohama en 1964 en bateau pour aller jusqu’à Marseille en passant par le Cambodge, l’Inde, l’Afrique du Nord…Un tel voyage n’est plus vraiment possible aujourd’hui. A l’époque, j’avais ce sentiment d’accomplir un rêve ; et aussi d’entrer dans l’inconnu. Mais ce qui importe le plus, c’est la nouvelle aventure et les découvertes dans lesquelles je m’apprêtais à entrer. Je suis vraiment fier et je ne regretterai jamais d’avoir fait un si grand pas. Il est vrai que, parfois, vous devez vraiment vous dépasser et sortir de votre zone de confort pour vivre et acquérir de nouvelles expériences.

Un regret peut-être ?

On a toujours des regrets je pense. J’ai eu beaucoup de chance mais aussi fait pas mal d’erreurs. Mais j’ai eu la chance de vivre différentes expériences.

Nous avons vu beaucoup de vos collaborations depuis le départ de votre maison en 1999. À l’époque, cela n’a pas été trop difficile de quitter le rythme des collections ?

Avoir ma propre marque a été définitivement l’un des meilleurs moments de ma carrière. Cependant, c’est un style de vie très intense, vous devez toujours rester au top de votre travail. De nos jours, je suis plus intéressé par les nouveaux défis et les collaborations avec des personnes talentueuses et des jeunes professionnels. Créer une ligne de mode aujourd’hui est extrêmement concurrentiel et je pense qu’à mon âge, il serait difficile de suivre le rythme de tous les jeunes designers d’aujourd’hui.

Ressentez-vous plus de liberté depuis ?

Maintenant, j’ai effectivement plus de liberté. Je travaille au quotidien avec mes équipes et nous restons indépendants. J’essaie aussi de profiter des quelques moments de temps libres autant que je le peux. J’aime ce que je fais, j’aime aussi les vacances, mais savoir que je dois travailler sur quelque chose me donne une raison de vivre.

Qu’est-ce qu’une bonne collection pour vous ?

Il y a tellement de styles différents dans le monde pour autant de genres et de cultures différentes. Une bonne collection pour moi tout d’abord générer un sentiment, créer des émotions. J’aime les coupes classiques et les coupes modernes : c’est une question d’harmonisation et d’homogénéité, et finalement l’identité que l’on reflète.

Quelle est votre vision sur la mode aujourd’hui ?

La mode est totalement différente d’il y a 40 ans. L’ère numérique crée et apporte de nouveaux outils sur le marché. Le temps est beaucoup plus rapide aujourd’hui et plus que jamais ; la nouvelle génération des millenials change beaucoup les choses. D’après ce que je peux voir, l’ère numérique rend les choses plus accessibles au plus grand nombre. C’est très positif. Dans les années 60, seuel une partie de la planète s’intéressait à cet univers mais maintenant on peut retrouver des gens intéressés à la mode presque partout dans le monde. Je trouve ça génial.

Pensez-vous que cette industrie va trop vite ?

Ça dépend, si on peut suivre, tant mieux. Tant que les gens veulent voir de la créativité, et que les choses sont bien faites, je trouve ça bien.

Quel serait votre conseil pour un jeune qui débute dans la mode ?

Prendre des risques et ne jamais cesser de rêver. Garder un peu de naïveté et rester courageux face aux difficultés.

De quel créateur ou créatrice admirez-vous le travail aujourd’hui ?

Il y en a tellement aujourd’hui, difficile d’en défendre plus qu’un autre. Il y a aussi tellement de styles différents pour des goûts différents.

Un artiste également ?

Si je dois en choisir un, j’ai toujours admiré Henri Rousseau, j’étais un grand fan du style naïf, des couleurs et des œuvres qu’il a produit.

Vous préparez les costumes pour Mme Butterfly, qui se produira bientôt à l’Opéra de Tokyo. Pourriez-vous nous en parler ?

Effectivement, mais je ne peux pas en dire trop pour le moment. C’est toujours en cours de travail.

La parfumerie a toujours été au cœur de vos travaux, que vous inspire-t-elle ?

Le parfum a toujours été pour moi un produit lié aux émotions et à la mémoire. La sensation olfactive devrait déclencher quelque chose à l’intérieur, comme un souvenir ou un sentiment. Pour moi, je voudrais qu’un parfum déclenche principalement le bonheur et la joie, mais aussi d’autres émotions.

Qu’est-ce qu’une journée type pour Kenzo Takada ?

Le matin j’aime commencer ma journée avec une séance de yoga ou de natation. Ensuite, il m’arrive de voir des amis, de visiter différents endroits. Je continue de voyager beaucoup. J’aime visiter des musées, regarder des films… et bien entendu je travaille.

Avez-vous un lieu fétiche à Paris ? Ainsi que à Tokyo ?

Je vais beaucoup chez Toyo, le restaurant de mon ancien chef qui a désormais une adresse à Paris et à Tokyo. J’aime aussi aller au Cherche Midi, au Recamier, et maintenant je peux aussi profiter du Lutetia qui a réouvert ses portes il y a quelques mois.

Où allons-nous vous retrouver prochainement et quels sont vos projets ?

Je ne travaille plus autant qu’avant, mais je ne cesserai jamais de faire ce que j’aime. J’aime collaborer avec des maisons qui ont une grande équipe et un grand savoir-faire. J’annoncerai probablement plus tard cette année des nouveaux projets et en ce moment avec mes équipes nous travaillons comme nous avons pu l’évoquer sur les finitions des costumes d’Opéra pour la représentation de Madame Butterfly, un Opéra qui se déroulera au Japon.

 

Propos recueillis par Gaël Savary, photographié par Stéphane Gizard