TTT Magazine se penche sur la vision artistique de Jaume Plensa créateur d’un art monumental.
Monsieur Plensa,
Ayant déjà eu le plaisir de converser avec vous*, je sais l’enthousiasme qui vous porte vers Autrui. Je sais la motivation qui vous anime et vous porte vers celui qui n’est pas vous, mais qui, finalement, est en vous. Je sais une partie de votre vision artistique, et je sais que celle-ci est humaniste. Mais dire et répéter l’admiration est un plaisir auquel je ne résiste pas.
Je vous ai « rencontré » (ceux qui auront lu votre interview penseront que je radote) à Venise, un jour où le soleil éblouissait entre deux averses. Dans la basilique San Giorgio Maggiore, votre main bénissant me saisit par son symbolisme. Ces huit alphabets mélangés, organisés, agencés parfaitement en une main monumentale, objet symbolique suspendu dans cet espace lui-même symbolique. À dire vrai, tout était symbole dans cette œuvre. Premièrement la main elle-même, qui reprenait l’une des images les plus emblématiques de la religion catholique, image de protection et de pardon. Ces alphabets qui n’en formaient plus qu’un, symbole de fraternité. San Giorgio Maggiore, signe de tolérance et d’ouverture, davantage encore pour avoir accepté d’exposer cette œuvre. Plus fort encore était le symbole de la ville amphibie.

Car vous aimez l’eau, Jaume Plensa. Vous l’aimez pour son rapport à la communion, à la communication. L’eau lie les terres entre elles, unit les mondes, les gens. Comment ne pas exposer à Venise quand elle représente la manière dont vous voyez le monde ?
Cette découverte m’a ouvert à vous, à votre pensée, à votre art, et je m’y suis reconnu. Il y a quelque chose, dans vos œuvres, d’ancien, d’éternel, de sage et de reposant. On ne peut que se sentir apaisé en contemplant vos silhouettes formées d’un langage incompréhensible et universel, vos visages allongés, purs, tranquilles. On les croirait surgis seuls, sans l’aide de personne, voilà des millénaires, et contemplant le temps filant avec la sagesse de celui qui a vu, qui sait, et restera.

Dans votre installation Talkings Continents, exposée au Memphis Brooks Museum of Art jusqu’en février 2019, des silhouettes de lettres, sur des continents de lettres, semblent suspendues, comme des bulles d’air dans un océan profond (l’eau, toujours elle) qui remontraient à la surface. Si surface il y a.
L’ensemble de votre œuvre est une invitation au recueillement, à la méditation, à l’interrogation. Quelle est la place de l’homme dans l’univers, en somme. Vous apportez une première réponse en montrant que l’univers n’est pas ce concept si vaste et parfois écrasant que l’on se représente. Un monde nous sépare déjà de cet inconnu que l’on croise dans la rue, et un sourire est une passerelle vers un nouveau rivage, une terre à découvrir. Nous sommes des continents, certes, mais il est si facile de créer des ponts entre nous, que cela n’a rien d’irrémédiable.

C’est l’idée simple, parfois moquée, de la main tendue vers l’autre, mais grâce à vous rendue belle, grande et symbolique. Votre art prône une paix générale, une écoute de l’autre, mais également une écoute de soi, un retour à la simplicité, à l’essentiel.
C’est un langage qui se passe de langues, un regard tranquille car confiant, un regard qui, à vous croire (et en espérant que vous ayez raison), reliera tout humain aux autres. Comme les ponts de Venise.
*Lire l’interview dans Le TTT Magazine n° VII
Où voir les œuvres de Jaume Plensa ?
Talking continents
Au Memphis Brooks Museum of Art
jusqu’à février 2019
Installation sur l’île de Djurgarden, à Stockholm
Du 9 juin au 31 octobre 2018
Invisibles
Au Palacio de Cristal
Musée de la reina Sofia
Du 16 novembre 2018 au 24 février 2019
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