Beaucoup de choses ont été dites, ces derniers jours, sur la première collection Celine par Hedi Slimane, dont le défilé était le plus attendu (et a posteriori inattendu) de la semaine de la mode parisienne ; TTT Magazine vous apporte son interprétation de celui-ci.
« Runway. » « Walk. » « Scandal. »
Sous le rythme hypnotique de Runway, chanson inédite du groupe français La Femme défilaient vendredi dernier les mannequins choisis par Hedi Slimane pour sa première collection chez Celine, dans une boite de nuit-showroom éphémère installé aux Invalides. Véritable fin symbolique de l’Ancien Régime esthétique de Phoebe Philo, le premier défilé de Slimane pour la marque française ne cesse de faire parler de soi.
Et c’est à travers l’idée d’un dis-corps que nous le réinterprétons aujourd’hui, car la disruption introduite par la première collection de Slimane ne se limite pas simplement à l’image, au vestiaire, ou bien à l’identité de la marque, mais à sa corporalité. Paris la nuit, ce journal nocturne de la jeunesse parisienne implique pour Celine (et, partant, pour sa clientèle) de nouveaux patrons, l’abandon de certains modèles, de certaines formes et par conséquent de certains corps, puisque les minirobes signées Slimane ne conviennent pas à tout le monde.
La femme Céline ne portait pas, sous l’égide de Phoebe Philo, de robes noires extra-courtes. Elle revendiquait au contraire sa puissance et sa féminité par des pantalons et des chemises évasés, des formes superposées et harmonieuses, des associations chromatiques hardies et cohérentes à la fois, dans une féminisation du vestiaire masculin qui n’était pas une appropriation mais une véritable affirmation de son pouvoir. Une femme dont le droit à la beauté et à l’élégance ne connait pas d’âge, relayé par des vêtements qui embrassent ses formes tout en ne les dévoilant pas jusqu’au bout ; urbaine et consciente de sa féminité qui ne sent pas pour autant le besoin de l’exprimer jusqu’à l’aveu de la chair.
« Are you ready ? » « Look on. »
Puis soudainement, un soir de septembre aux Invalides, la Femme Celine redevient une fille, peut-être par nostalgie. Libérée du poids de l’histoire elle retourne au Palace, aux Bains Douches, elle retrouve l’insouciance parisienne qui l’a toujours caractérisée, et cette fois-ci, elle n’est pas seule, puisque s’érige derrière elle sa contrepartie, son double : l’Homme Celine. Leurs figures se ressemblent, leurs silhouettes élancées s’entrecroisent, elles sont le portrait d’une jeunesse curieuse et de sa frénésie créative, de ses désirs comme de ses quêtes : de la pièce rare, du premier costume, d’une manière de s’affirmer, des fois par une robe trop courte (qu’elle soit drapée, en soie, ou en cuir), qui peut paraître presque innocente sous cette nouvelle lumière.
Au-delà du bien et du mal, du « j’aime, je n’aime pas », Hedi Slimane nous transporte dans une autre dimension et nous propose son interprétation de Celine : un espace où les genres se fluidifient, où les garçons et les filles échangent leurs nouveaux manteaux et toutes les pièces de leur vestiaire, jusqu’aux sequins, dans un dialogue du masculin et du féminin qui n’a pas peur du scandale, bien au contraire. Une époque en argentique où l’on pouvait encore fumer dans le clair-obscur de certains locaux néonisés et mélancoliques, en buvant du champagne.
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