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Une édition naturellement marquée par les péripéties de 2020 et dont l’indécision s’est portée jusqu’à la veille. Fort heureusement, le 35e Festival de Hyères a bien eu lieu du 15 au 18 octobre.

Si la peur a longtemps été de mise, l’organisation drastique de la Villa Noailles a pu rendre possible l’adéquation des normes sanitaires aux compétions de Mode, de Photographie et d’Accessoires de mode. Initialement prévu fin avril, les équipes ont ainsi redoublé d’effort pour qu’advienne cette rencontre unique entre les créateurs et le public. La plupart des membres du jury n’ont, en revanche, pas pu se montrer présents de manière physique, comme le président du jury Mode Jonathan Anderson ou du jury Photographie Paolo Roversi. Une version hybride, jonglant entre présence et distance via Zoom, avec le soutien des initiés comme des plus hautes sphères décisionnelles.

Chaque années, les défilés se déroulent non pas à la Villa Noailles, mais dans un hangar aux Salins des Pesquiers. © BR

Consécration pour Tom Van Der Borght

Le Grand Prix Première Vision a été décerné au designer flamand pour sa collection psychédélique par ses formes, ses volumes et ses couleurs. Basé à Gand et diplômé de le la Stedelijke Academie voor Schone Kunsten Sint Niklaas (SASK), Tom Van Der Borght a un parcours dans la mode bien acquis. Cette année, le jury mode a une nouvelle fois parti-pris pour l’audace, l’expérience et une certaine manière d’articuler la fabulation. Son président Jonathan Anderson témoigne d’engagements « sans aucun compromis. A notre époque, nous pensons, en tant que jury, qu’il faut entamer cette nouvelle décennie avec de la nouveauté, avec de l’originalité. Il ne s’agit pas d’apprécier quelque chose pour son sens commercial. Il s’agit de la beauté inhérente à la mode, du fait maison, de la technique et du risque que cela implique ».

Les inspirations de cette collection font échos aux visions, à une rêverie sans limite. « 7 ways to be TVDB » est une version augmentée de lui-même : « Je me suis inspiré de deux spectres créatifs différents, l’un emprunte à la première galerie artistique autour de l’univers du drag, l’autre au photographe Charles Fréger qui s’est penché sur le costume traditionnel ». L’ensemble des looks mettent ainsi en avant une esthétique tribale fantaisiste, sur laquelle le créateur se sent depuis longtemps « en connexion ». Il y raconte sa propre histoire, la nécessité de créer une image contemporaine et de faire face aux défis de demain.

Tom Van Der Borght Hyères 35
Look final du défilé T.VDB aux Salins des Pesquiers, Hyères 2020 © BR

Avec ce prix, le lauréat se voit doter d’une bourse de 20 000 euros remise par Première Vision, ainsi que d’une visibilité au salon Première Vision Paris. Un projet de collaboration avec les Métiers d’art de Chanel, à hauteur de 20 000 euros. Un défilé à la Mercedes-Benz Fashion Week A/W21 à Berlin et une visite de la maison Swarovski et de ses archives en Autriche. Récompense stratosphérique à l’égal de son talent.

Le Prix Chloé décerné à Marvin M’Toumo

Comme un pari sur la silhouette contemporaine, les finalistes ont eu l’opportunité de créer, en plus des sept looks, leur propre image de la femme selon Chloé. Le jeune Marvin M’Toumo a su se démarquer dans l’alliage habile entre l’urbain et la poésie. Jonathan Anderson parle d’un look qui « correspondait à l’idée que nous nous faisions de Chloé. L’on pouvait vraiment reconnaître sa touche incroyable sur ce pantalon et le rendu était fantastique ». Marvin M’Toumo repart ainsi avec une bourse de création à hauteur de 20 000 euros.

Marvin a grandit sur « une petite île en forme de papillon », la Guadeloupe. Parmi les femmes de sa famille, il développe un regard attentif sur leurs condition. Sensible et esthète, il passe par les arts plastiques, la HEAD de Genève, fonde un magazine « Chien Fleur » et baptise de la même façon sa première collection. Celle-ci se jonche d’une symbolique immense, car c’est le récit de la mère. Parsemé d’œufs, carte de visite, étiquettes ou sacs, « c’est l’objet aux plusieurs influences, de l’idéal esthétique selon Fabergé jusqu’à l’œuf comme élément du quotidien, que l’on mange tous ». Un de ses looks ne se compose que de deux sacs : l’un en tablier, l’autre en cabas de courses, et prend la forme d’une poule « animal totem » aussi volumineuse que glamour. Dessus, il reprend une technique oubliée des plumassiers, « la pleureuse », un nom équivoque de la dimension maternelle de cet ensemble.

Marvin M'Toumo Festival mode
Look d'ouverture du défilé Marvin M'Toumo au 35e Festival de Hyères · © BR

Les Métiers d’art de Chanel aux côtés d’Emma Bruschi

Membre récurrent de chaque édition, le Prix 19M récompense la meilleure collaboration entre les dix finalistes et dix des Métiers d’art de Chanel. Le lauréat reçoit une dotation de 20 000 euros pour la réalisation d’un nouveau projet de création qui sera exposé l’année suivante.

Formée à la HEAD de Genève et originaire de Marseille, Emma Bruschi a présenté une collection axée sur le monde agricole. La matière comme point de départ de chaque création « elle m’induit la forme, j’aime la travailler jusque’à les faire pousser par moi-même ». Le nom de sa collection « Almanach » renvoi symboliquement au mode de vie savoyard, celui de ses grands-parents. « C’est un véritable guide, avec des informations précieuses sur la météorologie, les dates et les cycles ». Un art de vivre et des savoir-faire oublié selon-elle, elle leur rend hommage au biais de sa collection, pour laquelle elle collabore avec le plumassier et parurier floral Lemarié.

Emma Bruschi Festival de Hyères
Les boucles d'oreilles créées par Emma Bruschi pour le Prix 19M des Métiers d'art de Chanel · © JALIS2019

Ddiddue et Juana Etcheberry : duo basque des accessoires et Prix Hermès

Frère et sœur venus de la côte Ouest, lui est designer issu de la Design Academy d’Eindhoven, elle du modelage, avec la Chambre syndicale de la couture parisienne. À l’image des créations présentées, Juana et Ddiddue Etcheberry se veulent complémentaires. Une alliance fraternelle entre le design et le textile, qui débute par un atelier de casquettes surcyclées dans leur village, au Pays Basque. Elle se poursuit aujourd’hui, toujours dans une optique d’up-cycling, avec des couvre-chefs inspirés de leurs fascination pour le cinéma, la science-fiction et la bande dessinée. « Dans cette air du masque, où l’on se protège, nous sommes arrivés à nous questionner sur la place de l’individu, son rapport à l’intimité, devoir se cacher ou non ». Une dystopie qui a séduit le jury des accessoires, mais aussi Hermès qui apporte son soutien dans la réalisation d’une pièce au sein des ateliers. Deux prix chacun d’une valeur de 20 000 euros, ainsi qu’une visite des archives Swarovski, leur ont été attribués.

Juana et Ddiddue Etcheberry Hyères 35
Deux pièces en toile de parachute proposées par Juana et Ddiddue Etcheberry pour le concours des accessoires de mode · © BR

Mention spéciale du jury accessoire de mode pour Dach, Zephir et Mongin

Un trio issu de la collaboration du studio Florian Dach et Dimitri Zephir avec le designer textile Antonin Mongin. Tous trois sont issus des Arts décoratifs de Paris (ENSAD), diplômés en 2016, Florian et Dimitri fondent leur studio Dach&Zephir, tandis qu’Antonin, doctorant, se voue à la recherche au sein de l’Ensad Lab. Un processus créatif mêlant souvenir du passé oublié, d’un héritage à perpétuer, avec une pointe d’humour caractérisant leur complicité. Les pièces évoquent une pratique d’antan, très présente en France et en Angleterre au XIXe siècle : « Des bijoux sentimentaux à porter ou à offrir, constitués de cheveux ». Ils se ré-approprient ainsi une matière considérée comme déchet en la revalorisant comme il eut été dans la période romantique. « C’est une matière première précieuse, à haute valeur identitaire, symbolique et mémorielle ». Témoignage d’une coutume ancienne en ville « les clients venaient en boutique pignon sur rue le matin et revenaient chercher le soir le bijou personnalisé », aujourd’hui il la confronte avec les réalités contemporaines. « Une conversation avec cette pratique artisanale oubliée avec des typologies d’objets assez urbaines avec le bonnet ou le bandeau, et politiques avec le durag ». Deux univers célébrés par ce trio, dont la créativité a été remarquée par le jury Accessoires de cette édition.

@ Mongin Zephir Dach 2020

If you loose yourself
In this crazy world
Find comfort in our universe
Imagine you are a pony
and all will be fine

Tom Van Der Borght

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