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Boy de Chanel et les nouveaux codes du Masculin

D’abord lancée en Corée du Sud cet été, la première ligne de maquillage au masculin de Chanel fait son arrivée en Europe : serait-elle le signal d’une tendance plus large au sein de nos sociétés ?

Le maquillage masculin est, depuis le siècle dernier, un objet socialement tabou.

Ceux qui arrivent à franchir le pas, en commençant notamment par des produits anticernes, ne l’avouent pas pour autant. Aussi libérés soient-ils, les hommes semblent tous chercher la même chose : un soin qui fasse son travail sans laisser aucune trace. Il y a une véritable pudeur autour du sujet, corroborée par un sentiment de honte généralisé, surtout face à la question fatidique : « Tu as mis du fond de teint ?», dont le pouvoir de stigmatisation se rapproche de la castration freudienne.

Et pourtant, la cosmétique accompagne les hommes depuis des millénaires : les Égyptiens utilisaient l’eye-liner pour se protéger du mauvais œil, les Grecs avaient développé une véritable culture de la beauté au point où Platon en vient à critiquer la vanité du maquillage dans son Gorgias, le définissant comme un « savoir-faire empirique qui a pour but le simple plaisir », et à l’époque de Louis XIV la mode était à la peau claire, marbrée par un voile de poudre, hommes et femmes confondus.

Puis, avec l’avènement des sociétés modernes le Masculin à paillettes s’est progressivement arrêté au profit d’un nouveau mode ostentatoire qui ne passerait plus par des pièces extravagantes, de la couleur, du maquillage et des perruques mais a contrario par des corps hypertrophiés habillés en noir et blanc.

Aujourd’hui ce modèle de masculinité à la Bonne Gueule où les hommes semblent dépourvus de toute sensibilité vestimentaire ou cohérence chromatique est de plus en plus remis en question (encore heureux) ; et c’est justement en ce moment (socio)historique particulier que s’inscrit le lancement de la ligne Boy de Chanel, première ligne de cosmétique masculine de la Maison.

La ligne se compose pour l’instant d’un baume à lèvres transparent, d’un crayon à sourcils et un fond de teint, elle a été lancée d’abord en Corée du Sud et sera disponible à partir de Janvier dans les magasins en France, mais on peut d’ores et déjà l’acheter sur le site internet de la marque. Elle s’appelle Boy de Chanel, comme le sac iconique de la maison créé par Karl Lagerfeld en 2010, la version rock et aux allures androgynes du 2.55.

Par le même principe de détournement de son homonyme, Boy de Chanel renouvelle le contrat implicite entre la marque et ses initiés : tout comme les collections de la Maison s’approprient les codes du vestiaire masculin en restituant aux femmes la liberté de mouvement et le confort, cette nouvelle ligne de maquillage octroie aux hommes le droit à la beauté, et légitime leur volonté de cacher certains défauts par une ligne de maquillage qui leur est enfin destinée.

Un problème, une solution. Que ce soit pour le teint, les lèvres ou les sourcils, puisqu’il n’est pas (encore) question de passer par une dizaine de produits tous les matins.

S’il faut du temps pour que les consommateurs s’habituent à cette nouvelle proposition de la marque, peut-on espérer qu’entre deux couches de fond de teint s’efface aussi progressivement le spectre de l’hétéro-normativité qui nous hante ?  Comme le disent les hashtags de la maison : #BeOnlyYou #CreateYourself

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