Après s’être illustré à Paris et Los Angeles dans les studios Bloom Room qu’il a fondés, y ayant collaboré avec les plus grands noms du luxe comme Moët & Chandon, Prada, Louis Vuitton ou encore Ferrari, Marc Ange, natif de Rome mais élevé à Paris, est revenu en 2017 ouvrir dans la capitale française un nouveau studio de création, LJ Edition. Le jeune designer y exprime un désir de beauté, d’onirisme et de pérennité. Rencontre avec un rêveur aux doigts d’or.
Quel est pour toi le sens de la création ?
Je pense qu’il s’agit de la capacité d’allier le pouvoir de l’imagination à une forme de conscience réaliste. Un créateur, pour donner vie aux images de son inconscient, doit avoir une vision globale du chemin que cette image doit parcourir, pour venir s’enraciner dans une logique d’existence.
C’est ce qui définit le bon créateur d’aujourd’hui ?
Si nous parlons précisément de design, je pense que la notion d’excellence réside dans la science de comprendre le monde de la consommation, qu’elle soit de niche ou de masse. La différence entre un créatif talentueux et un excellent designer se trouve là, à la frontière entre la satisfaction d’un succès d’estime, et l’atteinte de l’objectif premier de ladite création.
Alors quelle part tient la poésie dans ton processus de création ?
Une part déterminante. La poésie est pour moi l’art de rapatrier les éléments qui constituent notre monde, du côté de la beauté. J’essaie de reconstituer ce chemin de transfiguration dans mon travail.
Est-ce une manière de maintenir et se maintenir dans le rêve ?
Bloom Room, mon agence de design, a la particularité d’être dirigée et accompagnée par des âmes sensibles. La réalité d’entreprise revêt chez nous une tenue particulière, nous travaillons, avant tout, pour trouver dans nos réalisations une forme de bonheur. Nous travaillons donc tous, sans exception, avec notre cœur. Je crois que cette âme passionnée laisse fuir des signaux que nos clients reconnaissent. J’espère donc que ce que nous faisons aide à rester rêveur.
Il y a dans ton travail comme une manière d’arrondir les cercles et d’aiguiser les angles, de dramatiser l’objet, la pièce. Le regard doit-il être absolument transporté ?
J’ai une tendance naturelle à voir une forme de mise en scène dans chaque expression esthétique ou conceptuelle. Cela vient certainement du caractère théâtral de tous les éléments visuels et émotionnels qui ont accompagnés ma vie.
J’avoue que j’accorde peu d’importance à la réalité pratique des choses que je dessine, simplement parce que je ne vois que peu d’espace de progression dans ce domaine. En revanche, j’essaie de donner aux objets une part d’existence émotionnelle.
Peut-on alors parler d’art ?
Je n’ai pas encore produit d’Art dans ma vie. J’espère un jour être capable de me permettre de proposer au monde une vision personnelle, brute et sans compromis. Pour le moment je ne produis que du design, dans lequel j’essaie d’injecter la dose de sensation artistique nécessaire pour donner une âme aux choses.
Il y a donc une relation particulière entre l’objet et le propriétaire. Jusqu’à quel point peut-on aimer un objet selon toi ?
J’ai la sensation qu’un objet, quel qu’il soit, une fois obtenu, perds inéluctablement de son pouvoir d’attraction sur celui qui l’a convoité. La capacité des choses à être aimées me semble finalement bien faible. Voilà pourquoi, peut-être, j’essaie de les aider à revêtir des habits et des attitudes capables de maintenir leur pouvoir de séduction, de les aider à faire oublier à l’amour qu’ils sont inexorablement inanimés…
Evidemment, la consommation frénétique détruit lentement la valeur des choses. Cependant, le caractère périssable de l’objet d’aujourd’hui, soumis au remplacement perpétuel par une évolution permanente, offre à l’Unique un rôle inédit. Je pense que cette évolution vers la dématérialisation de la propriété est inévitable et logique, mais l’objet unique, le fait main, l’historique n’en devient que plus précieux.
Je crois que les nouvelles générations n’en apprécieront que plus, par cette sélection naturelle, les choses capables de tenir une place dans leur cœur, loin de la compétition de la fonctionnalité ou du vent de la mode.
Est-ce une façon de dire que le design doit penser davantage apport social et écologique ?
Absolument, je pense que c’est une nécessité absolue, et une logique à prendre en compte dans tout développement technique et marketing. Cela fait partie de l’évolution des contraintes à prendre en compte dans le cahier des charges de toute création.
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