Il suffit que la collection Cini s’installe pour qu’Aix-en-Provence prenne des airs de Venise : jusqu’au 27 mars, la Fondation Giorgio Cini fête les 70 ans de sa création entre les murs du centre d’Art de l’Hôtel de Caumont avec l’exposition « Trésors de Venise ».
Pour la première fois hors d’Italie, ces chefs-d’œuvres font le témoignage de la richesse du paysage artistique italien du Trecento au XVIIIe siècle. C’est au total 90 sculptures, peintures, dessins et objets précieux qui ont été réunis par Vittorio Cini (1885 – 1997), entrepreneur et mécène, « dernier des doges » selon l’historien de l’art Federico Zeri, dont la curiosité insatiable l’a mené à constituer une collection exceptionnelle en l’espace de cinquante ans. La Fondation Cini s’ouvre en 1951, elle prend le nom de Giorgio, fils de Vittorio Cini disparu dans un accident d’avion. À la fois centre de recherche et de formation elle prend place aujourd’hui entre la Galerie du Palazzo Cini, ancienne résidence du collectionneur sur le Canal Grande, et le siège de la Fondation sur l’île de San Giorgio Maggiore.

Le concours des Cités-États
Si l’exposition nous fait côtoyer la fine fleur du savoir-faire de l’Italie septentrionale, elle accorde une place au génie florentin. De la peinture toscane aux trésors de la Sérénissime, en passant par l’irrésistible École de Ferrare et ses pièces maitresses de la Renaissance, on se meut dans un calme religieux entre les trésors du passé. Collection privée des Médicis ou propriété d’un monastère franciscain, le voyage en Vénétie se laisse parcourir de façon chronologique. Des noms tels que Fra Angelico, Filippo Lipi, Piero di Cosimo, Jacopo Pontormo, Lorenzo et Giandomenico Tiepolo résonnent dans une scénographie sombre et chaude, l’atmosphère baroque jonglant entre rouge, violet et marrons. Une palette contrastant à merveille avec les iconographies religieuses, ainsi cadres de bois dorés et diptyques minutieux retrouvent toutes leurs puissance dans cette dimension esthétique et symbolique.


En dialogue jusqu’à maintenant
Sculptures, émaux, ivoires, dessins et enluminures rendent compte de la variété stylistique de l’art italien et se complètent sous une forme d’échange avec des œuvres contemporaines. Le rose d’une sculpture sur bois d’Ettore Spalletti se révèle en totale cohérence avec la tonalité d’une robe portée par l’énigmatique Christ rédempteur de Sano di Pietro. Parallélisme frôlant la perfection lorsque les Prisons imaginaires de Piranèse font faces aux photographies de Vik Muniz, recreant cet univers à l’aide de punaises et de fils métalliques, il offre la possibilité au spectateur d’apprécier une nouvelle fois l’œuvre du maître italien sous un regard que l’on ne soupçonne pas.

Le parcours prend fin symboliquement avec une aquarelle de Francesco Guardi, Vue de l’île de San Giorgio Maggiore fin XVIIIe siècle-avant 1793, reprenant la composition d’une veduta conservée à la Wallace Collection de Londres. Elle est un leg de Paul Wallraf et son épouse Muriel provenant de leur collection londonienne de dessins de Venise. C’est en 1959 qu’elle est exposée à San Giorgio, témoignant d’une profonde affection porté par les historiens, artistes, collectionneurs et intellectuels envers cette institution. Pari relevé pour Vittorio Cini, dont le souhait le plus ardent était de rétablir à Venise l’héritage de Marco Polo. L’apogée de son œuvre se résumerait certainement dans cette inscription gravée dans le marbre, sur l’île San Giorgio Maggiore : « si monumentum requiris circumspice » (« Si vous cherchez son monument, regardez autour de vous »).

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