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Tanya Drouginska, l’artiste aux mille vies sort son premier album « Résurrection »

Qui est donc Tanya Drouginska ? Ou plutôt, à quelle Tanya Drouginska avons-nous affaire, lorsque nous la rencontrons ? Tanya, c’est une artiste, au sens noble, au sens plein, une artiste aux mille vies. De la peinture à la mode, de la télévision à la musique, voilà un personnage qui semble avoir tout vécu. Un entremêlement d’influences qui lui octroie une personnalité unique et vibrante, qui s’épanouit dans les contrées des plus sombres et des plus désabusées.  Son hymne à l’amour est tourné vers l’espoir, son existence est fondée sur la re-naissance. Son album, explicitement intitulé « Résurrection », sort ce 14 novembre 2018. 

Le TTT Magazine est allée découvrir ce qui se cache derrière cette grande dame, élégante, voluptueuse, indolente, de la remise en cause du statut du mannequin jusqu’à l’explication de processus créatifs musicaux singuliers.  Le shooting, capté par l’œil averti du photographe Stéphane Gizard a su capter une émotion profonde, résolument tourné vers l’avenir et la promesse du renouvellement vital et créatif.

Quel cheminement intellectuel peut amener une personnalité comme vous à passer du mannequinat à la musique ?

Tanya Drouginska : C’est une évidence, il n’y a pas de frontière entre ces deux arts, chaque discipline nourrit l’autre. En tant que mannequin, j’ai été amené à faire plusieurs clips musicaux, ce qui a généré chez moi une sorte de frustration. Je me disais à chaque fois que j’aimerais un jour avoir mon propre clip. J’ai toujours aimé chanter, c’est quelque chose de libératoire.

Existe t-il des similitudes entre le défilé et la scène ?

TD : À partir du moment où l’on se produit devant un public, il y a fatalement une similitude. La différence tient à la scénarisation qu’impose le couturier alors que lorsque je me produis sur scène, je livre une prestation avec des chansons écrites pour moi et qui reflètent ma personnalité. Cela me permet d’avoir une gestuelle et des émotions qui sont les miennes. Avec la musique, le trac est beaucoup plus intense, les émotions et la passion aussi, on vit ce que l’on chante.

Votre chanson la plus connue « La Mariée », traduit-elle une envie de chanter et célébrer les relations humaines ?

TD : Je chante avant tout l’amour. Toutes mes chansons sont celles d’une femme amoureuse. Elle est un peu désabusée mais garde une lueur d’espoir. J’ai la chance d’avoir des paroliers comme Boris Bergmann et Jean-Michel Berriat qui ont tout de suite compris qui j’étais et retraduisent mon univers assez dark.

Dans ce titre, l’onomatopée « tic-toc » revient en permanence, c’est une toile de fond du temps qui passe et la complainte d’une femme emplit de tristesse. Ressent-on plus l’emprise du temps lorsque l’on est malheureux ?

TD : Lorsque Jean-Michel Berriat l’a écrit, je pense que c’était plutôt pour donner une rythmique. Le temps fait que je suis devenu une femme désabusée en amour. C’est ce que je chante mais dans « La Mariée », c’est une femme qui s’ennuie et qui va quitter son mari pour quelqu’un de plus jeune ; elle espère un renouveau affectif.

Pourquoi peut-on dire que votre univers est dark ? C’est par rapport à des références culturelles ou c’est une image que vous aimez cultiver ?

TD : Je pense être naturellement comme ça. Je dirais que cela provient de mes origines, j’ai toujours cultivé un certain spleen, et j’ai toujours été animé par les choses mystérieuses.

Quelles sont vos influences artistiques et musicales ?

TD : Nous avons décidé avec mon équipe de faire un personnage chantant au féminin, à cheval entre Serge Gainsbourg et Alain Bashung. Ce sont deux génies qui cultivent ce côté torturé qui les caractérise si bien. Ils n’avaient pas de capacités vocales extraordinaires mais ils avaient une personnalité énorme, ce qui est bien plus important. Certaines personnes ont des capacités vocales mais pas de personnalité.

C’est un problème, ce phénomène de « produit artistique » sans personnalité, créé par les labels et les majors ?

TD : Aujourd’hui il y a beaucoup d’écoles musicales, ce qui amène souvent les chanteurs à avoir de la technique mais pas de personnalité. Cela donne des « artistes-kleenex ». Si on ne s’impose pas, on ne peut pas perdurer.

« Il y a eu quelques moments difficiles mais je renais tel un phénix. »

Le titre de votre album s’appelle « Résurrection ». Cela fait-il fait écho à une racine religieuse, à quelque chose que vous allez puiser dans votre histoire personnelle ou à d’autres influences ?

TD : J’ai choisi ce titre pour mon album alors qu’aucune de mes chansons ne s’appelle résurrection. C’est effectivement à puiser dans mon histoire personnelle, car avant d’être mannequin, j’ai fait une carrière commerciale réussie, puis j’ai tourné la page. Il y a eu quelques moments difficiles mais je renais tel un phénix.

Peut-on renaître par l’art ?

Oui car l’art est une catharsis, mais on peut renaître de façon différente. Je pense que l’on a plusieurs vies et que chaque vie est une renaissance.

Votre reprise du titre « Un Tableau de Hopper », c’est une résurrection de Johnny Hallyday ? Dans quel contexte avez-vous choisi de le faire revivre ?

TD : Comme pour beaucoup de gens, Johnny a rythmé ma vie, je me retrouvais dans la plupart de ses chansons. C’est un hommage et je ne voulais pas, parce que cela aurait été prétentieux de ma part, reprendre un tube. J’ai trouvé parmi les chansons plus méconnues celle-ci. Elle s’intégrait très bien dans mon album, elle semblait avoir été écrite pour moi. « Un tableau de Hopper », c’est une femme qui attend quelque chose de beau, un amour qui ne lui fasse plus peur, elle aussi continue à espérer. Sans espoir on s’étiole trop vite. Avec cet hommage modeste, j’espère que ce titre sera plus connu.

Au delà de la musique, Hopper est-il un artiste qui vous touche ?

TD : J’ai pratiqué la peinture pendant 10 ans, puis j’ai tout brulé car je n’était pas la peintre que j’aurais espéré. Néanmoins, je ne me suis jamais désintéressé de l’art. L’univers de Hopper est également désabusé, c’est un monde où les gens continuent à se battre pour améliorer leur existence. Il y a beaucoup de sobriété dans ses tableaux, le titre m’a parlé.

Dans votre clip, vous mettez en scène un catcheur thaï, faites-vous au travers ce choix l’idée d’une musique combattive ?

TD : Il est quadruple champion du monde de boxe thaï. Mon père pratiquait la boxe en amateur et depuis l’enfance j’ai appris à aimer ce sport. Je trouve que c’est une discipline extrêmement courageuse, plutôt que de mettre un danseur, j’ai trouvé plus original de mettre ce boxeur et ce sport plus en lumière.

Vous avez une esthétique qui semble a priori contradictoire : sur votre pochette d’album on retrouve ce mur avec des brillants jaunes, avec lequel le boxeur rompt totalement. Quelle est cette curieuse croisée d’influences ?

TD : Ce qui me définit c’est ma combativité, je ne cesse de me lancer des challenges, et il faut contre vent et marée que je réussisse, donc la boxe me convient très bien. Ce boxeur, il fallait fatalement le montrer en short pour mettre en valeur sa belle musculature, il y a donc une rupture avec la haute couture, car dans le clip « La Mariée », je suis entre autre habillé par Jean-Paul Gaultier.

« Mon cheval de bataille, c’est l’intemporalité. »

J’ai vu que vous aviez défilé pour Galliano en 2007. Comment avez-vous vécu le fait de remonter sur les planches ?

TD Galliano est une icône parmi les créateurs et c’est toujours un plaisir de défiler à ce niveau. Pour ce défilé-ci, il y a une sentimentalité particulière puisque qu’il correspond au moment où j’ai repris le mannequinat en 2005, suite à cette période assez difficile. C’est à ce moment que j’ai commencé à renaître.

On vous a trop souvent collé l’étiquette suite à cela de « mannequin senior ». Quelles sont vos idées pour que les mentalités changent ?

TD : Dès que j’ai recommencé le mannequinat, j’ai donné des interviews et ce sont bien les journalistes qui m’ont étiqueté ce terme, alors qu’on ne dit pas « mannequin junior », par exemple. Mon mon cheval de bataille, c’est l’intemporalité. Lorsque je les rappelle pour le leur signaler, ils me disent : « restez comme vous êtes, mais malheureusement il ne faut pas trop que l’on secoue l’opinion publique. »

Au delà de ça, il faut souligner que les tailles de guêpes sont souvent sujettes à l’anorexie. Elles en meurent, alors que la clientèle des grands couturiers est rarement une fille de 16 ans. Elles seraient plus rassurées de voir ces vêtements portés sur des femmes plus « normales ». Ce n’est pas utile de préciser senior puisque c’est une évidence.

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