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Miró au Grand Palais 

Voir et penser l’Abstraction

L’exposition Miró, l’une de celles qui fait la saison culturelle à Paris en cet hiver 2018, nous permet de découvrir ou redécouvrir les toiles, les céramiques et les sculptures de cet artiste espagnol adepte de l’abstraction.

La scénographie choisie est tout en sobriété. Les murs légèrement teinté de bleu-gris dans les premières salles laissent rapidement place aux murs immaculés. La lumière est particulièrement présente, chose essentielle dans la vie de l’artiste. Celle chaude de son Espagne natale mais aussi celle froide retranscrite dans ses œuvres les plus sombres. Sombre dans leurs sujets, sombre comme les nuits étoilées, qu’il nous donne à penser, à rêver. C’est ça aussi l’abstraction de Miró. L’éclairage, le plus souvent zénithal, est assez doux, permettant une parfaite lecture des œuvres, tantôt très chargées de ses débuts et fourmillant de détails, tantôt celles de plus en plus abstraites, laissant une grande place au vide de la toile.

La première salle, d’un grand volume, nous transporte, elle nous permet de constater l’évolution rapide dans la carrière du peintre ibérique, aux toiles de jeunesse quasi hyper-réalistes de ses paysages d’enfance, les suivantes nous plongent rapidement dans cet univers de plus en plus irréel. Les coups de pinceaux sont francs, les couleurs tout autant, les sujets parfois inexistants ou souvent invisibles. C’est aussi l’absence de titres qui nous permet véritablement de nous approprier ces dernières, comme si nous nous détachons de ce que notre œil peut percevoir pour laisser libre cours à notre imaginaire, à notre l’esprit. Comme dans beaucoup de médiations aujourd’hui, cette première salle se clôture par un mur projetant un documentaire sur le peintre, procédé que nous revoyons à deux reprises durant notre visite.

La suite de l’exposition devient plus thématique, plus brutale aussi. Plus abstraite en somme. A chaque entrée de salle, quelques mots nous permettent de mieux appréhender les œuvres ou les thèmes que nous nous apprêtons à découvrir. Pêle-mêle : la guerre, l’amour, un pays rêvé ou les nuits étoilées se côtoient. On assiste à une évolution chronologique de l’œuvre de Miro. Aux grands espaces découpés en alcôves plus ou moins grandes, donnant à la fois une impression de continuité et de rupture, aussi bien dans le cours de l’exposition que dans l’œuvre de l’artiste, le premier étage se termine là encore par une vidéo montrant l’artiste réaliser une de ses œuvres. Il est toujours intéressant de voir, d’entendre, de comprendre le travail d’un artiste avec ses propres mots et sa façon d’être.

Nous descendons au Rez de chaussé. Cela peut paraître anodin, mais cette descente au cœur de l’exposition ne semble pas dénuée de sens. Nous plongeons dans les éléments, comme au cœur de la Terre, là où la confrontation de l’eau et du feu produit des merveilles. Quelques petites salles nous dirigent vers l’une des plus grandes œuvres de Miró, ou plutôt trois œuvres monumentales. Dans une pièce carré baignée d’une lumière immaculée, puissante et zénithale, où trône en son centre une imposante sculpture, nous faisons face aux toiles « BLEU I – II – III ». Ces immenses peintures, d’un fond azur qui n’a rien à envier aux plus belles eaux du monde, nous sidèrent. Nous restons là, à chercher le meilleur angle pour les observer tantôt individuellement, tantôt collectivement, en essayant de trouver une cohérence, un rapport, une signification… En vain. C’est abstrait, voilà tout. Ce n’est pas quelques touches de rouge ou des points noirs qui vont nous aider. Nous nous laisserons juste porter par les mots du peintre, apposés comme une partition géante sur le quatrième mur, pour nous guider vers sa pensée, « pour arriver à (comprendre ce) dépouillement voulu ».

Puis, par un dédale de petits couloirs, nous arrivons dans une pièce ronde, très sombre et très basse. Cinq vitrines nous font fasses. Elles nous présentent le travail de céramiste de l’artiste. Tellement l’éclairage est puissant que l’on a l’impression d’être dans un four, aux parois noircies et aux foyers incandescents. La dernière installation vidéo, nous montrant le processus de réalisation de ces œuvres, nous conforte dans cette impression. Nous venons de voir successivement l’eau et le feu. C’est magistral, grandiose et d’une force comparable à ces éléments. Mais que voir après ?

C’est alors que nous arrivons à la dernière salle de notre visite. Comme au début, un immense espace s’offre à nous. Toujours ces murs blanc, toujours cette sensation de pureté qui se retrouve de plus en plus dans ces œuvres abstraites de grande taille. Après les éléments contraires, un nouveau souffle semble insuffler dans cette exposition et dans les œuvres du maître de l’abstraction. Nous sommes happés par des toiles comme « Silence » de 1968 ou par le triptyque « L’Espoir du condamné à mort » de 1974. Elles sont là, immenses et presque vides, à l’inverse de notre esprit qui est lui bouleversé par ce genre de réalisations. Les titres faisant leur réapparition, ils nous donnent à réfléchir et bien plus encore. La toile clôturant l’exposition résume totalement la vie de Miró : un peintre tourmenté par la vie, les éléments, l’eau et le feu qui s’opposent et une toile qui propose plus qu’une simple vision d’une œuvre d’Art, un moment de réflexion sur ce que l’on voit, ce que l’on ressent. Tout est abstrait.

Exposition Miró au Grand Palais, du 3 octobre 2018 à février 2019
 du lundi au dimanche (fermé le mardi). Horaires : 10:00 à 20:00 
(nocturnes  les mercredis, vendredis et samedis jusqu’à 22.00)
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