Rafraîchissante par ses couleurs, où trône le bleu en majesté, l’écrin chaleureux qu’est l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence se voit prêter jusqu’au 10 octobre une sélection d’œuvres signées Zao Wou-Ki. Artiste peintre d’origine chinoise, puis naturalisé français, il compte un répertoire assez vaste tant par ses techniques que par les émotions appliquées, pouvant travailler encre noire, aquarelle, gravure et peinture, c’est par cette dernière qu’il est remarqué dès ses 14 ans, à l’école d’Hangzhou par ses professeurs. L’exposition qui lui est accordée durant toute la période estivale est un véritable panorama, à la fois synthétique et efficace, de l’ensemble de son œuvre. Un parcours saisissant où « Il ne fait jamais nuit », puisqu’il s’agit d’un maître en l’art de la lumière. Promenade au pays où l’espace est silence.
On compte ici 80 œuvres de 1935 à 2009, sélectionnées et disposées selon leur temporalité et leur technique, variant de l’huile sur toile, aux aquarelles et à l’encre de Chine. L’ensemble repose néanmoins sur un enjeu commun, propre au processus créatif de Zao Wou-Ki : inventer de nouveaux espaces picturaux construits à partir du travail sur la couleur et de la représentation de la lumière. Le parcours début ainsi, comme naturellement, sur cette thématique déjà très enclin de sa jeunesse jusqu’à son dernier diptyque. Comme pour l’artiste, nous suivons sont parcours imprégnés de ses regards sur l’Europe : ses carnets de voyage sont à l’image de ceux des élites ayant fréquenté les milieux intellectuels et artistiques actifs du XVIIIe et XIXe siècles, dans le cadre des « Grands tours » de l’Europe, Zao Wou-Ki fait le sien dans les années 1950.
Une certaine idée du monde
Une vision alternative reflète dans ses dessins lorsqu’il s’installe à Paris. Du symbolisme façon Paul Klee il en découle une abstraction des plus totales. L’artiste se déleste d’un poids, celui du motif et des songes qu’il devait peindre autrement, cette prise de liberté traduite par le geste technique gardé intact, devient d’une manière sa marque de fabrique. Des signes transformés en masses colorées, contrastes forts entre lumière et obscurité, construisent ses œuvres d’une sensibilité aussi brute que limpide. Son voyage à New York en 1957 le fait entrer dans un courant de libre expression, où les années 60 seront pour lui une période d’intense création. Cette période marque une redéfinition du mouvement, des couleurs et des contrastes, joignant ainsi la gestuelle de l’école américaine et la liberté du pinceau chinois.

Un sentiment d’apaisement…
et de légèreté s’empare de nous lorsque nous traversons ce voyage. Le parcours trouve une pertinence immense dans la mesure où le sentiment d’accompagner Zao Wou-Ki, à différentes étapes de sa vie, se veut présent. L’âge avance, et son coup de crayon aussi. La colère, les récits, ce qui était alors contenu jusqu’à là se relâche dans une fureur que des mots ne peuvent témoigner. Les années 1970 marquent une absence, celle de l’épouse emportée par la maladie. L’artiste amènera plus tard ces œuvres « extrêmes » dans un retour au calme et à la sagesse, même si la mort, triomphante durant ces années, a été traitée dans une splendeur ensorcelante. Convulsive, enragée et pourtant pleine de délice, nous laissant devant l’œuvre accomplie dans une stupéfaction des plus totales.


Passe la nuit vienne le jour
L’artiste retrouve goût au voyage et compose désormais sous de nouveaux soleils. Retour aux sources, en retrouvant sa famille en Chine et découverte de paysages sereins, inspirés des plus beaux fonds marins d’Ibiza et des côtes espagnoles. C’est le retour à la lumière, celle des rayons méditerranéens qui transpercent les vastes abysses. Du bleu azuréen céleste qui se fond dans les vagues jusqu’à l’horizon. Une grande partie de ces œuvres rendent hommage à l’architecte Josep Lluís Sert (Concepteur de la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence et de plusieurs projets en collaboration avec Picasso, Chagall et Miró).


18 juin 2021, 14 h 20 min