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Dora Maar et Bernard Frize au Centre Georges Pompidou pour cet été 2019

Le centre GEORGES POMPIDOU  accueille pour cette saison estivale deux artistes diamétralement opposés, mais aux œuvres toutes aussi marquantes où l’une nous a malheureusement quitté il y a 20 ans et le second, heureusement toujours parmi nous. DORA MAAR, injustement réduite à l’intime et muse de Picasso, se dévoile aujourd’hui dans une RÉTROSPECTIVE qui réunit plus de 400 tirages, négatifs et peintures, témoignage marquant de la vie de l’artiste et d’une partie de l’histoire de la PHOTOGRAPHIE du 20ème siècle. Puis nous retrouvons BERNARD FRIZE, 15 ans que cet artiste peintre n’avait pas été exposé en France et cette installation retrace en un parcours thématique libre, les multiples facettes du travail singulier de l’artiste de 1977 à aujourd’hui. 

Dora Maar, Portrait de Picasso © Centre Pompidou

Dora Maar, surréaliste de profession 

Pionnière dans la photographie, art encore considéré en 1926 comme mineur, les femmes étaient autorisées à l’apprendre et à le pratiquer. Dora Maar développe alors un univers incroyablement précis, où elle expérimentera au maximum et inventera un style surréaliste d’images qui furent utilisées tout aussi bien dans des commandes de mode, de publicité que de reportage. Elle ouvre dès 1932 un studio avec le décorateur de cinéma Pierre Kéfer à Neuilly-sur-Seine et se fait très tôt repérer auprès de ses contemporains au même titre que Man Rey, Brassaï ou encore Magritte pour ne citer qu’eux. Elle s’émancipe dans un univers entouré de femmes intellectuelles, et en 1936 à tout juste 29 ans, déjà très sollicitée dans l’illustration photographique, rencontre le marchant de Picasso rue d’Astorg où elle croise des personnalités comme Jeanne Lanvin, Elsa Scaparelli et Gabrielle Chanel. 

Assia et Autoportrait au ventilateur © Adagp, Paris 2019 – Centre Pompidou

Artiste Engagée

Seulement, la photographe n’est pas q’une habituée des salons de la haute couture, dès ses débuts artistiques dans un désir de recherche humaniste, elle part pour Barcelone en 1933 sur les conseils de Georges Charensol, alors correspondant du magazine VU. Elle y découvre une autre vie, celle des mendiants et enfants des bidonvilles, les femmes aux tabliers sales des halles aux marchés mais aussi l’architecture de Antoni Gaudí, pour nous livrer des témoignages engagés tout au long de sa carrière. Parallèlement, elle utilise le photomontage comme un outil de surréalisme et de sublimation que l’on retrouve dans nombre de ses œuvres et commandes. L’étrangeté du quotidien et l’humour visuel comme leitmotiv. 

Barcelone [Vendeuses riant derrière leur étal de charcuterie, 1933] et Sans titre, 1933 © Adagp, Paris 2019 Photo – Centre Pompidou

Surréalisme, Picasso et abstraction 

Se rapprochant du cercle des surréalistes et proche de Paul Eluard, Dora Maar rencontre Picasso. De cette rencontre naitra une grande fusion artistique où chacun pouvait être le miroir de l’autre, un échange, Dora Maar commença la peinture et elle initiera Picasso à la photographie, chacun peignant et photographiant l’autre et réciproquement. L’exposition invite le visiteur à découvrir cette période riche en créations, où nous pouvons même deviner les photographies de la réalisation de Guernica étape par étape. Mais brutalement, pendant la seconde guerre mondiale, elle rompt sa relation avec Picasso, sa mère décède et elle perd aussi son amie Nush Eluard (femme de Paul Eluard) qui succomba d’une attaque cérébrale subite. Son œuvre tend alors dans des figurations de natures mortes très pauvres en couleurs, de deux objets maximum et favorisant un cadrage efficace très proche de la photographie, et ce jusqu’en 1946 avant de se retirer de la vie mondaine. L’exposition se ferme sur ses expérimentations entre photographies et peintures abstraites, mais aussi avec une composition géométrique représentant le vitrail de l’église qu’elle avait l’habitude de croquer pendant les messes sur de petits carnets. 

Artiste fascinante, photographe pionnière, femme émancipée et peintre inspirante, Dora Maar est une vie dans la vie où son œuvre, plus complexe soit-elle, restera un modèle intemporel pour des générations de photographes. A découvrir jusqu’au 29 juillet. 

Pablo Picasso par Dora Maar © The Museum of Fine Arts, Houston et Paysage du Lubéron, années 1950 © Brice Toul

Bernard Frize, maîtrise et performance

Au rez-de-chaussée, dans un autre univers, le centre Beaubourg invite ses visiteurs à un parcours autour des travaux du peintre français Bernard Frize, un artiste qui laisse entendre que toute peinture se tient entre le désir de peindre (de l’artiste) et le plaisir de regarder (du spectateur). Depuis plus de 40 ans, ce peintre repousse les limites et expérimente des techniques de figuration. L’exposition est divisée en 6 salles thématiques : Avec déraison, Sans effort, Avec système, Sans système, Avec maîtrise, Sans arrêt. 

Suite Segond 120F, 1980© Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler et Rassemblement, 2003, photo © André Morin. Bernard Frize/Adagp, Paris 2019

Formes et Lumières

Chaque tableau est accompagné d’un commentaire de l’artiste, aidant le visiteur à déceler une partie du mystère de Bernard Frize. L’exposition s’ouvre sur une série qualifiée de peinture absurde par certains critiques, elle se compose de toiles couvertes de traits extra-fin superposés à l’infini « j’essayais de peindre avec le plus de couleurs possible ; les bleus et verts en horizontal, et les rouges en vertical ». Comme si ses œuvres étaient une équation mathématique que l’artiste cherchait à résoudre, nous déambulons autour de grandes toiles de résine et acrylique avant de découvrir une série en triptyque intitulée Jacob, Terah et Isaac, peint à l’huile en 2004, où l’œil se perd et se confond dans les formes et les couleurs, une véritable illusion optique. Il n’est pas rare alors de s’oublier dans ses figurations, couleurs lumineuses et reliefs, technicités innovantes et nominations parfois inattendues, l’exposition Bernard Frize. Sans repentir fait entrer le visiteur dans l’acte même de création, en lui révélant quelles stratégies et défis intellectuels sous-tendent les œuvres du peintre. A découvrir jusqu’au 25 août. 

Travis, 2006, photo © André Morin. Bernard Frize/Adagp, Paris 2019

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