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Honoré : Bienvenue à l’auberge du cul tourné

Lorsque vous êtes festivalier durant Cannes, votre vie se résume à voir toute la journée des films plus ou moins bons et longs. Alors, quand la séance du soir approche, que vous ajustez votre nœud papillon pour monter le tapis rouge, vous désirez plus que tout un film sympa, drôle, sans prise de tête pour finir votre journée sous de bons hospices. Avec « chambre 212 » de Christophe Honoré, nous n’étions pas près de nous endormir tant ce film divertissant et léger de 1h30 nous a transporté, le temps d’une nuit, dans la vie d’un couple en pleins doutes sur un avenir commun.

Dès les premières scènes du film, la salle Debussy rie aux éclats. Chiara Mastroianni, en prof de droit quasi nymphomane, traverse un Paris bourgeois et bohème pour se retrouver chez elle, en compagnie de son mari. Ils sont ensemble depuis 25 ans. Mais 25 ans, c’est aussi l’âge de ses élèves, dont elle tombe amoureux grâce à leurs patronymes. La légèreté du film est plantée ici en quelques minutes. Les répliques s’enchaînent comme un très bon vaudeville. Dans cet appartement des années 70, situé près du boulevard Raspail, une routine s’est imposée au couple Mastroianni / Biolay.

La routine, cette tueuse de couple.

A l’intérieur de cette vie aussi bien rangée que leur bibliothèque, les deux amoureux ne peuvent que constater l’évolution de leurs rapports. Un malheureux coup d’œil à un sms va lancer les hostilités, chacun préparant ses arguments et ses munitions. La rue, cette frontière visible et invisible, devient un champ de bataille. Comme deux blocs qui s’affrontent, l’appartement et la chambre d’hôtel se font face. Les coups vont pleuvoir, ou plutôt neiger dans le film. Même le temps est déréglé avec eux. Le passé, celui que nous n’oublions jamais grâce aux bonheurs qu’il nous a procuré, refait surface avec un excellent procédé.

Vincent Lacoste et Camille Cotin, loin du jeune décérébré et de la « Connasse » de leurs débuts respectifs, illustrent ce passé. Cette jeunesse et cet amour qui restent dans nos mémoires et qui, des années plus tard, se manifestent au cours d’une nuit tourmentée. Flashback à l’instant présent, esprits séparés du corps, réflexions sur la vie de couple et un personnage donneur de leçons ayant pour traits un « Charles Aznavour gay », paré d’un peignoir léopard qui n’aurait sûrement pas déplu à DSK, voilà l’univers de ce film.

L’amour, l’amour, l’amour …

Outre le jeu des acteurs, la mise en scène est formidable. Les décors aussi. La justesse des propos, qui fait donc très mal dans ce genre de situation et qui égaye encore plus ce film, est remarquable. Ce n’est pas une succession de crises de nerf, au contraire. C’est le respect entre les amants qui nous touche.

« Chambre 212 » n’est pas un film faisant la morale aux femmes et hommes qui, après une certaine période de vie de couple, cherchent à séduire et tromper l’autre. C’est plutôt un récit sur la tolérance et la compréhension de cette situation au sein d’un couple. Une preuve d’amour en quelque sorte. Si nous n’oublions jamais ce qui a pu se produire dans un passé lointain ou 2 heures avant, nous avons la capacité de pardonner et de repartir sur de nouvelles bases … Le jour vient de se lever dans le film. Les amoureux se recroissent dans la rue. Deux, trois banalités échangées et la vie reprend son cours. La prof aussi : « Article 212 du Code Civil : Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »

De Christophe Honoré

1 H 30

En sélection officielle pour « Un certain regard »

Avec Chiara Mastroianni, Benjamin Biolay, Vincent Lacoste et Camille Cotin.

Sortie : mai 2019

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