Ce 13 juillet, Isabelle Huppert répondait aux questions de Guillemette Odicino et Philippe Rouyer devant un public déjà conquis. Présente en ouverture d’Avignon pour La Ceriseraie (Tiago Rodrigues), ce fut l’occasion pour elle de revenir sur son rapport aux metteurs en scène et son regard sur le théâtre et le cinéma.
28 films (!) en sélection officielle, deux prix d’interprétation féminine (Violette Nozière et La Pianiste), présidente du jury en 2009 : c’est peu dire que Isabelle Huppert « a tenu tous les rôles à Cannes, sauf le mien qu’elle ferait pourtant à merveille » comme annonce Thierry Frémaux en ce début de leçon de cinéma. Seulement de cinéma ? Sa présence à l’occasion du Festival d’Avignon était en fait l’opportunité de parler plus largement de son métier d’actrice à l’écran comme sur les planches. « Au théâtre comme au cinéma, l’événement, c’est la rencontre avec le metteur en scène » dit-elle d’emblée, fidèle à ses principes. Ce rapport suivra de fil rouge tout le long de la masterclass : quand on lui demande l’influence du fait divers dans sa composition des rôles, et donc d’incarner un perosnnage du quotidien, elle répond que « L’invisible du cinéma permet au spectateur d’être renvoyé à quelque chose d’universel plutôt que quelque chose de très précis qui lui serait adressé. Mais tout ça vient du metteur en scène, je n’y suis pas pour grand-chose… »

Théâtre, cinéma et cinéphilie
À ce propos, lorsqu’on lui demande si la parole de metteurs en scène est différente au théâtre et au cinéma, elle évoque ceci : « Je compare le théâtre à la création du monde : une terre en friche où un monde se créé. Et l’acteur y assiste tout le long , alors que le monde qui se créé au cinéma se fait aussi au montage et l’acteur n’y peut rien ; il ne peut que ressentir la période où il est filmé. Un grand metteur en scène Bresson ou Buñuel disait que le cinéma, c’est le film définitif qui va rester alors que le théâtre, c’est le film éphémère qui va mourir ». Il est donc affaire de sensibilité : si pour Isabelle Huppert ce sont deux espaces de jeu similaires, elle entretient un rapport différente à l’expérience de jeu qu’il est possible d’incarner. Et quand on l’interroge sur sa capacité à réinventer des personnages monstrueux, toujours, cette réponse sur le metteur en scène après avoir corrigé « monstrueux » en « part sombre » : « Je n’ai jamais eu de problème à dégager cette part sombre. Chabrol en particulier disait que « jamais les individus ne sont monstrueux, mais les situations ». Déjà savoir ça permet de ne pas s’embarrasser d’avoir une frilosité à incarner un personnage dit monstrueux. ». Et d’ajouter, sourire en coin : « Il est plus facile de jouer l’ambiguïté que la simplicité : peut-être qu’un jour je devrais m’y essayer car pour l’instant c’est confortable, c’est agréable. Alors que jouer des sentiments plus francs, c’est plus difficile dans le fond. ».
Vient enfin la conclusion, avec une question sur ce qui pourrait l’intimider. Réponse de l’intéressée, avec les rires de la salle : « je ne suis jamais intimidée car ce n’est pas un sentiment qui m’intéresse ». Mais quand il s’agit d’évoquer des souvenirs cinéphiles, elle évoque soudain le superbe Quand passent les cigognes (Mikhaïl Kalatozov, Palme d’or 1959) : « Cette femme qui croise des soldats sans voir son mari, en avançant sur le quai, et qui comprend qu’il ne reviendra pas… C’est mon premier souvenir cinéphile extrêmement fort et qui a participé à mon désir de devenir actrice. ». Finalement, échange instructif et agréable entre des journalistes qui n’étaient pas là pour prendre de grands risques face à l’une des plus grandes actrices françaises de l’Histoire : en demandait-on vraiment plus ?
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