Réalisé par le cinéaste colombien Andrés Ramírez Pulido, La Jauría est un beau conte qui cherche à s’éloigner du récit carcéral habituel.
Fin de Festival et premiers prix attribués : à l’issue d’une très belle Semaine de la Critique qui aura vu Ava Cahen réussir ses premiers pas avec brio, La Jauría a remporté un Grand Prix mérité. Passé en début de quinzaine, il narre l’histoire d’Eliú, criminel mineur incarcéré dans un centre de détention expérimental où la vie est rythmée entre des thérapies de groupe et des travaux manuels très physiques. Entouré d’autres détenus aux personnalités très marquées, le film suit sa prise de recul et ses remises en question à travers les protagonistes qu’il rencontre.
Premier long-métrage de son auteur après trois courts, le film surprend d’emblée par son rythme fluide et sa capacité à dérouler ses séquences sans montage de ruptures permanentes. Andrés Ramírez Pulido fait ainsi état d’une grande palette de plans qui permettent à la narration de s’étirer sans longueurs, tout en développant en parallèle une ambition formelle très séduisante. On retrouve ainsi une grande variété d’images où, de jour, le film se concentre sur la résistance des corps à l’effort et aux interactions silencieuses des détenus. À l’inverse, sa recherche sur la nuit le conduit à mettre en scène une forme de crépuscule desdits corps, comme s’ils devaient revenir à une intimité que les travaux manuels avaient sapés – ce malgré leur constance à être presque nus en permanence. Des plans rappelant Pedro Costa viennent nimber d’une lumière douce ses protagoniste, qui semblent touchés par la grâce dans une solitude pourtant cruelle.

Mais là où le film est le plus intéressant, c’est quand il se révèle capable de confiner la violence hors-champ pour construire ses images les plus sensibles. Sans ignorer qu’elle est latente, le cinéaste colombien s’attèle pourtant à intégrer à son processus formel le cœur de son sujet qui reste d’entrevoir une alternative à un milieu carcéral agressif et mécanique. Andrés Ramírez Pulido fait par là un choix osé qui se révèle payant quand le récit tourne au tragique, comme si après avoir incité ses spectateurs à la réflexion il devait les ramener à une réalité brutale où ces adolescents ne peuvent échapper à leur destin. De cette manière, il évite paradoxalement une forme d’écueil moraliste qui tendrait à penser que chacun est condamné et de fait, il ne trahit jamais les personnages qu’il s’est efforcé de dépeindre tout au long du film. Son intérêt reste donc de voir comment les rédemptions sont des trajectoires choisies jalonnées d’aléatoire mais que l’enfermement, quel qu’il fût, ne peut permettre à chacun de grandir. La Jauría est une heureuse surprise qui permet de faire figurer son auteur dans les jeunes cinéastes sud-américains à suivre.
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