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EO : Chronique d’un âne en peine

Certainement le seul film de la compétition où le rôle principal est joué par un animal, qui plus est un âne, le dernier film de Skolimowski incarne ce porte-drapeau du vivant non-humain, plus généralement d’une nature sublimée en reléguant l’homme au second plan.

EO (français de l’onomatopée « Hi-han », sobriquet de notre vedette), nous fait état du récit initiatique de cet âne qui prend son destin entre ses sabots. D’un animal de cirque où il était chéri par sa dompteuse jusqu’aux jardins luxuriants d’une comtesse lombarde (Isabelle Huppert), EO est un témoignage de l’espèce compagne où l’humain n’est plus simple spectateur mais bien complice dans sa trajectoire. Lui aussi doute, résiste et émeut tant sa dimension, dépassant la première lecture sur la condition animale, s’en révèle personnifiante dans sa singularité et d’une place qu’il se cherche sans objectif préétabli. Une sorte de prétexte, à la manière d’Au hasard Balthazar (1966) pour dresser le portrait critique de l’agentivité humaine.

EO Cannes 75 Skolimowski
L'âne "EO" du film éponyme de Jerzy Skolimowski

L’animal qui sommeille en nous 

Ce qui frappe de prime abord est incontestablement la démarche exploratoire entreprise tout le long du film :  l’absence quasi-totale de dialogues, l’image-son en majesté et les scènes animalières à la première personne, nous immisce dans ce regard aussi contemplatif qu’alerte aux dangers du loup, chasseur ou éolienne, faisant écho à ce que l’observait dans un point de vue que l’on ne connait pas. Ainsi la magie opère, animiste par ses interactions et humanisante dans le périple de l’âne, qui sommes-nous pour entraver son chemin ?

Ces moments de rencontre donnent lieux à une personnification continue de l’animal comme maître de ses choix, jusqu’à ce qu’intervienne l’homme à l’encontre de ses décisions. Les éléments de comparaisons inter-espèces (âne et cheval, loup et même vache) renvoient implicitement à des situations analogues que l’on percevrait dans les interactions entre humains, donnant une place interprétative forte à cet objet visuel dont le message se veut plus ouvert que l’on ne pense. 

EO fascine et déroute selon le caractère de chacun, certains cherchant avidement le sens de ce chemin de croix équin et d’autres se laissant plutôt bercer dans cette ballade émouvante, sur le dos d’un âne à la sagesse triomphante. 

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