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Drive my car : le plein des sens

Film fleuve de 3h, le film de Ryūsuke Hamaguchi livre une puissante réflexion sur les responsabilités individuelles et la possibilité cathartique qu’offre le métier d’acteur.

Il aura donc fallu attendre 5 jours de Festival pour retrouver des films à potentiel de Palme. On attendait beaucoup de Hamaguchi, on en ressort lessivé après la proposition formelle la plus passionnante depuis Annette. Pour résumer brièvement : un metteur en scène de théâtre, dont la femme adultère meurt le jour où elle semblait devoir lui faire des confessions, tente deux ans plus tard d’adapter « Oncle Vania » de Tchekhov, conduit par une chauffeuse-confidente à chaque déplacement dans une petite voiture rouge. On pense dès l’apparition de celle-ci aux limousines d’Holy Motors ou de Cosmopolis : elle serait l’espace en puissance où le vrai prend le pas sur l’artifice. L’affaire est pourtant moins évidente ; si elle devient un lieu de confidences, elle est surtout le point de passage d’un état vers un autre et une forme d’invitation au spectateur à digérer – synthèse d’une scène, transition avec la suivante, elle reste une capsule temporelle.

Drive my car de Ryūsuke Hamaguchi

Épure et déploiement

Surtout, ce parti pris s’accompagne systématiquement d’une composition des plans conforme au projet du film : tenir des lignes simples en laissant la beauté y éclore. À cet égard, Drive my car prend le temps de développer son propos sur 3h pour intégrer par touches des enjeux qui découlent d’une réplique de son héros : « jouer Vania me terrifie et m’est impossible, car le rôle me révèle ma propre existence ». On retrouve alors ce point fondamental (et tragique) du cinéma d’Hamaguchi qu’est la place occupée dans son monde par un homme ou une femme et comment celle-ci est considérée par rapport aux fautes commises. Ici, pourtant, toute la force du film tient à la quête de rédemption entreprise à travers l’art. Passant par plusieurs registres de langues (anglais, mandarin, langue des signes coréenne et japonais), la pièce de théâtre est un exutoire absolu où le choc des sens démêle, peu à peu, la pelote pleine du film. Il est difficile de rendre compte de l’ambition pleine de Hamaguchi tant le film passe chaque plan à déployer une image inconnue, des figures, des discours raisonnés. Ce projet est grandiose et finit par laisser le spectateur face à son existence, dans un calme bienvenu ; ne reste plus qu’au jury de faire son travail en le plaçant très haut au palmarès.

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