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Première entrée marocaine de la sélection cannoise cette année, Déserts emprunte tant au conte qu’au road-movie dans un film parfois inégal mais à l’ambition séduisante.

D’emblée, peut-être faut-il mentionner le discours de Faouzi Bensaïdï pour comprendre l’ambition généreuse de son réalisateur derrière Déserts. Décrivant son processus de travail lors de la présentation du film, il concluait en ces termes : « Mes remerciements vont d’abord à mes comédiens. Je pourrais brûler de tout mon corps pour un plan, mais ce n’est que pour les illuminer ». Force est de constater que cette déclaration n’était pas une posture : Déserts a pour lui un travail plastique minutieux – presque trop forcé dans ses temps faibles – qui conduit systématiquement à situer ses personnages dans un tableau précis. Pour situer ces prises de vue, il faut comprendre que Déserts traite initialement de deux recouvreurs de crédit parcourant des villages marocains pour récupérer l’argent de mauvais payeurs. Dépeintscomme des personnages grotesques perdus dans l’immensité du désert dans une succession de scènes souvent amusantes, parfois réverbatives, le film ouvre alors à mi-chemin une autre voie sur un prisonnier en quête de vengeance croisant la route des deux protagonistes.

Ce glissement d’un quasi film à sketchs vers un conte tragicomique, proche d’une certaine mythologie issue du western, semble guidé par plusieurs intentions. La première est d’abord d’opérer ce retournement pour faire du film une fable et, conséquemment, d’inscrire le récit dans un contexte politique plus large. Alors que les deux recouvreurs désabusés ne traversent que des villages ruraux dépeuplés, où aucun commerce ne semble survivre, l’arrivée de ce prisonnier ouvre une dimension tragique absente du premier segment où les différents protagonistes sont définis par le paysage environnant : d’anti-héros désœuvrés traversant la poussière, ils se transforment en personnages de mythe quand Faouzi Bensaïdï resserre son cadre sur des bâtisses crépusculaires. Cela conduit à une certaine inégalité de traitement scénaristique, comblée par la volonté du réalisateur de troquer sa narration linéaire pour un traitement presque exclusivement symbolique dans sa dernière partie. In fine, Déserts apparaît conforme à son plan : ambivalent et souvent déroutant pour le spectateur, il est un conte politique pas toujours inspiré mais porté par des qualités plastiques indéniables, finissant par asseoir une certaine singularité bienvenue dans une Quinzaine des Cinéastes que son délégué général, Julien Rejl, voulait « défricheuse ». À cet égard, on ne peut que souligner la cohérence de voir un si drôle d’objet en son sein.

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