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Compartiment n°6 : Voyages voyages

Le film du réalisateur finlandais Juho Kuosmanen, présenté en compétition hier, ne cherche pas à bousculer une compétition inégale pour le moment mais présente une invitation au voyage presque hors du temps après un an et demi de Covid.

Situé dans les années 90, Compartiment n°6 raconte le voyage en train d’une femme finlandaise allant étudier les pétroglyphes de Mourmansk et contrainte d’occuper le même compartiment qu’un voyageur russe à la même destination. Peu disposés à s’entendre, ceux-ci vont progressivement s’apprivoiser. Avec un récit assez classique (voyage-rencontre-liens tissés), Kuosmanen semble d’ailleurs échouer à créer une forme originale : les ficelles apparaissent nettement dès les premières images de rencontre, avec une dispute qui n’aspire qu’à déboucher sur la compréhension de l’autre. Ce sentiment est renforcé par la presque unité de lieu choisie et les contraintes que cela amène, où il paraît difficile d’échapper à l’apprivoisement mutuel – même quand il devient touchant, sur une étreinte, c’est pour s’évaporer rapidement.

Compartiment n°6

L’important, c’est le chemin

L’intérêt du film, alors, finit par se déplacer sur l’intérêt du voyage et les images que l’on peut en tirer. Kuosmanen semble alors beaucoup inspiré dans sa mise en scène, en captant des souvenirs sur un caméscope ou un train qui s’éloigne dans la brume ; bref la « condition » de voyage et ce qu’il brasse de sentiments différents. Ainsi la mélancolie de l’héroïne et les réflexions sur son couple se nourrissent toujours du rapport entretenu par la première avec son environnement. Le voyage devient incubateur de retour à soi, d’émotions contradictoires qui amènent à la curiosité d’un autre qu’on ne rencontrerait pas sans lui. Ces sentiments rêveurs ne peuvent échapper à la comparaison avec l’épidémie : peut-être aurait-on moins considéré le film sans le contexte actuel. De fait, la contemplation de ces wagons où l’on cherche à tromper l’ennui renvoie à nos espaces clos non-choisis, dont l’horizon reste le pas de la porte. C’est là la douceur de Compartiment n°6 : malgré les faiblesses initiales, difficile de ne pas rester songeur devant les clartés du Nord et de rêver de disputes, sans virus, dans le drôle de foyer que peut devenir une couchette.

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