Un an après une édition aussi désertée que son nombre de films était pléthorique, le plus grand festival de cinéma international s’apprête à reprendre ses quartiers le 17 mai. Organisé autour d’une programmation sans grandes surprises, celui-ci semble pourtant marquer le pas après des années qui devaient amorcer des changements. Le dernier Festival de l’ancien monde avant les grands travaux ?
L’officielle : rester verticale
Une compétition comptant 21 films pour 17 réalisateurs et seulement 5 réalisatrices, aucun premier film et Cannes Première en lot de consolation des gros noms : sans le moindre doute, Thierry Frémaux a fait du Thierry Frémaux, donc une officielle (trop) polie où chacun tient la place qui lui était donnée. En compétition, les habitués comme David Cronenberg (Crimes of the future), Cristian Mungiu (R.M.N.) ou les Dardenne (Tori et Lokita) côtoient des revenants, de Jerzy Skolimowski (EO) à Claire Denis (The Stars at Noon) – pour cette dernière, la précédente compétition remonte à… 1988 – avec une dose de proportionnelle d’entrants, de Lukas Dhont (Close) à Léonor Serraille (Un petit frère). UCR, pas loin de s’appeler Un premier regard cette année, prend donc un rôle de cour de récré avec 8 premiers films sur 21 et quelques titres déjà attendus, en particulier ceux de Davy Chou (Retour à Séoul), Hlynur Pálmason (Godland) et surtout Lola Quivoron (Rodéo) pour un film qui permet, malgré lui, de reprendre l’édition précédente là où on l’avait laissée : sur des mécaniques.

Les parallèles : viens je t’emmène
De l’autre côté du rideau, les sélections parallèles offrent de prometteurs panoramas de nouveaux-venus/curieux-venus. La Quinzaine des Réalisateurs garde un rôle mixte traditionnel, recoupant un grand contingent français (Alice Winocour, Thomas Salavador, Philippe Faucon…) et une sélection internationale particulièrement excitante cette année. Pietro Marcello fera ainsi l’ouverture avec L’envol, deux ans et demi après que son Martin Eden a triomphé à Venise. On guettera aussi deux réalisatrices : Léa Mysius, alumni de la Semaine qui revient avec Les Cinq diables et Erige Sehiri qui montrera Sous les figues, précédé d’échos très favorables. La Semaine de la Critique, enfin, offre une compétition composée uniquement de premiers films comme à son habitude, réalisant au passage un joli tour de force en s’ouvrant avec le premier film de Jesse Eisenberg (When you finish saving the world).

Le bilan : des héros mortels
Si l’on peut se réjouir d’avoir une sélection resserrée par rapport à l’année dernière, ainsi qu’un public à peu près conforme à ce qu’on connaît (environ 35 000 accrédités), force est de constater que celle-ci ne prend plus aucun risque. Pire, alors que Thierry Frémaux semblait amorcer une mue pour ouvrir la compétition, la sélection de 2022 est un retour au réel assez brutal : malgré les exemples récents de Venise et Berlin, elle n’est pas paritaire, elle garde un conservatisme sur ses habitués mais surtout, elle se dénature. Que dire par ailleurs d’UCR, sélection compétitive initialement portée sur la découverte et qui semble désormais adopter une logique proche de la Semaine ? Curieusement, cette ligne éditoriale s’établit au moment où Iris Knobloch s’apprête à prendre la présidence d’un festival déjà mu par d’autres tectoniques des plaques – Paolo Moretti sur le départ après 4 années à la tête de la Quinzaine quand Ava Cahen, à l’inverse, présente sa première Semaine post Charles Tesson. Cannes se trouve à un moment important de son histoire, écartelé entre un conservatisme historique et la tentation de changements (au hasard : l’éternelle question des plateformes) alors que les salles de cinéma souffrent d’un manque de public, en France et au-delà : le festival a une aura suffisante pour diffuser une certaine idée des images comme des modes de consommation en s’ouvrant plutôt qu’en cloisonnant. Mais d’ici là, que la fête commence…
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