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Cahiers Noirs : le creux de l’intime

Présenté en séance spéciale hier dans une émotion collective inouïe, Cahiers Noirs de Shlomi Elkabetz (présenté en deux parties) est un documentaire éblouissant de 3h20 en hommage au travail de sa sœur, Ronit Elkabetz, réalisatrice israélienne disparue en 2016.
Ronit Elkabetz
« En voyant l’avocat de Viviane Amsalem, il m’apparaissait soudain comme le porte-parole de ma sœur. Ce que j’aurais voulu être pour elle ; mais les mots me manquaient pour porter sa voix et son combat » : ces paroles de Shlomi Elkabetz, sur le tournage du Procès de Viviane Amsalem, résument peut-être l’ambition de ce documentaire-somme. À partir d’innombrables images d’archives de sa sœur qu’il aura filmée pendant plus de 10 ans – chez elle à Paris, en Israël ou sur ses tournages – Shlomi Elkabetz a retracé son parcours jusqu’à sa mort. Le plus bouleversant est sûrement cette tentative perpétuelle de synthèse : il ne s’agit pas d’un portrait dans le sens où son réalisateur s’intéresse moins à brosser la femme qu’elle était qu’à la fabrique de son art au quotidien. Réalisatrice passionnée, fulgurante dans son rapport à l’autre, elle n’a cessé de se nourrir de son environnement familial dans son travail : la liberté de Viviane Amsalem, personnage qu’elle incarne, est celle de sa mère à qui elle entend rendre justice – au sens littéral. Ainsi le projet du documentaire est un témoignage du processus créatif et du rapport qu’il entretient nécessairement avec l’intime. À défaut d’être une voix pour sa sœur, Shlomi Elkabetz aura livré avec ces images le testament d’une vie passée sans contrôle, celle d’une femme soucieuse de laisser une empreinte fourmillante pour donner à d’autres l’ambition d’être libres. L’émotion qui s’en dégage, jusqu’à l’épuisement de Ronit Elkabetz pendant le tournage de Viviane Amsalem, rend compte de la pleine mesure qu’elle avait que sa vie s’arrête soudainement. Elle n’a pourtant jamais semblé aussi vivante.
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