Consécration pour le réalisateur coréen qui a reçu la récompense ultime de cette 72ème édition cannoise. Après « Mother » en 2009, présenté dans la section Un certain regard et le controversé « Okja » (premier film Netflix présenté en sélection officielle en 2017), il revient cette année avec un thriller familial léché et profond. Un alliage entre le souci d’une analyse des classes, de l’humour et un suspense coriace, qui ont fait l’unanimité chez le jury.
Presque immédiatement après avoir reçu cette Palme des mains de Catherine Deneuve, Bong Joon-ho s’est avancé ému pour prendre la parole et remercie le cinéma français qui l’inspire tant, en particulier Claude Chabrol et Henri-Georges Clouzot. Il avait déjà fait sensation en 2013, pour son premier film en anglais « Snowpiercer », mais son premier coup d’éclat remonte dix ans plus tôt avec « Memories of Murder ».

Un plan presque parfait
L’histoire de ce film aborde deux familles que tout oppose : les Ki-taek, installés dans une pièce dans l’entresol d’un immeuble, ils vivent grâce à la ruse et en fabricant des cartons à pizza ; et les Park, dont le père PDG d’une multinationale retrouve le soir sa femme névrosée, habitant tous ensembles dans une vaste maison d’architecte des beaux quartiers de la ville. En fins manipulateurs, le spectateur suit comment les Ki-taek vont parvenir à se rendre indispensable aux yeux des Park, en intégrant méticuleusement les domestiques de la maison et finir par tous les remplacer. Une satire de la société sud-coréenne qui pointe, avec dérision et justesse, les inégalités creusées de ce pays. Jusqu’où les Park vont-ils se laisser berner et comment la situation va-t-elle se retourner contre les Ki-taek ?

Entre la comédie, le thriller et le drame
La première Palme coréenne reste difficile à cerner dans son genre, tant Bong Joon-ho reprend avec acuité beaucoup de styles, de détails dans ses inspirations. Il n’est pas donné à tout le monde de passer d’une ambiance prévisible et légère, à un plan, de quelques secondes, du « fantôme de la maison » avec le cadrage de cette moitié de visage obscure, deux yeux blancs qui ne sont pas sans nous rappeler certains codes du cinéma d’horreur en Asie. Le film échappe cependant à cette catégorie hormis certaines violences finales, qui viennent éclater la bulle du système et rétablir les vérités. Tant de secrets, de mépris de classe et d’amour sont réunis dans cet écrin d’architecte où la vie semble pourtant si douce.

Nouvelle critique d’un système
Le réalisateur s’inscrit une fois de plus, à mi chemin entre la réalité et le fantastique, dans la caricature sociale et de nos habitudes déterminantes. Ces éléments faisaient déjà partie intégrante de « Snowpiercer », ce train « transperceneige » où cohabitent les milieux, mais aussi de « Okja », dans la critique du système industriel de production de viande. Aujourd’hui, c’est à une échelle plus réduite qu’il se penche sur ce qui fait, d’un individu, un membre de son groupe d’appartenance, voire de référence. La montée en flèche d’une folie dont les conséquences peuvent être irréversibles. On prend parti pour ce foyer huppé, crédule et apathique, comme pour cette famille de stratèges dans la galère, complètement à bout et solidaires. C’est sur cette astuce que Bong Joon-ho nous laisse sans morale, ni jugement : exposés la justesse d’une analyse prismatique des réalités.

기생충 (Gisaengchung)
« Parasite »
De Bong Joon-ho (Corée du Sud)
En sélection officielle
131 minutes
Avec : Song Kang-Ho, Cho Yeo-jeong, So-Dam Park, Hyae Jin Chang, Jung Hyeon-jun, Sun-kyun Lee, Woo-sik Choi et Jeong-eun Lee
Sortie France le 5 juin 2019
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