Alain Delon.
10 lettres qui représentent le cinéma français. Parfois même la France. Dans son élégance, dans son génie, dans son jeux, dans sa beauté… Dans les polémiques aussi, mais attachons nous dans ces quelques lignes à l’acteur et producteur de cinéma. Il est rare que les journalistes, dans le couloir en sortant de cette rencontre, discutent entre eux et tombent quasi-unanimement d’accord : nous venons de vivre un moment particulier. Un moment qui se reproduira plus car nous étions en présence, dans cette salle Būnuel du Palais des Festival, n’ayons pas peur des mots, d’un des derniers monstres sacrés du cinéma français et probablement mondial. Et la cérémonie d’hommage du soir restera gravée dans l’Histoire du Cinéma.
Après des applaudissements sincères et chaleureux, quelques secondes ont marqué les personnes dans la salle : le silence. Ce silence qui enveloppe un lieu d’un moment de grâce avant la prise de parole d’une personnalité exceptionnelle. Et juste après cela, Delon lui même s’est étonné de ce moment. C’est dire l’émotion et la prise de conscience de cet instant. Présentée par Samuel Blumfield, auteur l’été dernier d’une série sur l’acteur parue dans le journal Le Monde, l’échange fut ponctué par des séquences de films pour illustrer la carrière du jeune truand dans Mélodie en sous-sol, tournée à Cannes aux côtés de Jean Gabin il y a maintenant 57 ans.
A l’issue de certaines projections, lorsque les lumières redonnent vie à la salle aux fauteuils rouge, le visage d’Alain Delon brille. Pas dû à un excès de maquillage ou à un projecteur braqué trop violemment sur lui. Non, ce sont des larmes. Des larmes en souvenirs d’Annie Girardot, de Melville, de Romy, de ses amis disparus … Nous, spectateurs privilégiés de cette instant hors norme, avons la chair de poule. Une paupière humide brouille aussi durant quelques temps, la vision d’un acteur que l’on respecte pour son travail et que beaucoup d’entre-nous aimons.
Pendant près d’une heure et demi, les anecdotes s’enchaînent comme des titres de films : le « piaf du Samurai a grillé », en référence à l’oiseau qui brûla dans l’incendie des studios de Melville; « Mort de rire au resto », en souvenir de la mort du même cinéaste au cours d’un dîner avec Philippe Labro; « J’étais pas mal à l’époque ! », dit-il de lui même en fixant du regard les admiratrices des premiers rangs …
Quelques heures ont passé à Cannes, où le soleil est revenu en ce dimanche après midi. La tension monte à l’approche de l’heure de la cérémonie. Le tapis rouge en son honneur vient à l’instant de se terminer que la STAR pénètre dans la salle Debussy. L’endroit est comble, les marchés et les couloirs sont pris d’assaut par les journalistes et photographes du monde entier. Les présidents Pierre Lescure et Thierry Fermaux commence leurs allocutions. Delon est là, au rang d’honneur entre sa fille Anouchka Delon et le ministre de la Culture. L’émotion est palpable et devient poignante. Un film d’une dizaine de minutes, exceptionnel à lui seul, résume la carrière de l’artiste.
Puis vient le moment tant attendu. Le monstre sacré gravit les dernières marches qui l’amènent désormais, de son vivant, au Panthéon du Cinéma Cannois et mondial. Et en un instant, 62 ans de carrière vous dominent et craquent. Delon pleure. Le public aussi. Nous ne voulons pas nous l’avouer mais c’est sûrement l’une des dernières fois que nous le voyons dans son milieu professionnel, qui lui rend hommage à cet instant. Delon vient de voir sa vie défiler, ses amis, ses films, son public, sans qui il n’est rien nous avoue t’il. Il nous le dit : « c’est un hommage posthume de mon vivant ». Et dans une élégance qui le caractérise si bien et pour faire taire définitivement certains bruits, il s’éclipse, en larmes aux bras de sa fille Amouchka, avec ces derniers mots : « Je pense à Romy et Mireille… ».
Merci pour le Cinéma, Monsieur Alain Delon.

Photographies ©Lucas Bonnet
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.