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Portrait – Coline Burckel, créatrice des souliers Cémélé

Jeune marque de souliers unisexes haut de gamme, Cémélé a pour exigence de pratiquer une mode végane, naturelle et européenne. Trois piliers qui font de Coline Burckel, sa fondatrice, une créatrice engagée, dans le courant d’une mode responsable et poétique. 

À l’heure de l’Anti Fashion Project, de la biennale 1.618 et d’une foule d’évènements positivant une nouvelle manière de vivre et de voir la mode, jamais l’imagination des créateurs n’a autant du se déployer dans la recherche de nouveaux matériaux, plus écologiques, plus équitables. Certains mastodontes de la mode hésitent à changer leur fonctionnement, engoncés dans une gloire et une clientèle frileuses devant tout changement. A l’opposé, de jeunes créateurs, vifs et pétris d’idées régénérées, d’une volonté et d’une légèreté salvatrices, se lancent dans une mode nouvelle, à l’écoute de la planète et d’un rythme de consommation moins vorace. C’est le cas de Coline Burckel, jeune designer chaussures, fondatrice de la maison Cémélé, qui s’est lancée dans la création de souliers haut de gamme, unisexes et végans.

Le mot fait encore sourire, parfois tiquer et agace souvent. Ces végans sont partout et pourtant nulle-part, empêchent les omnivores voire les végétariens de vivre en paix, et en général mettent mal à l’aise. Au-delà de la notion alimentaire, le véganisme est un monde à apprendre, à interpréter, et il se conjugue également à la mode, pas toujours de manière évidente. Coline Burckel l’a appris en se formant à la Saint Martin’s School, à Londres, puis en exerçant durant cinq années dans la fast fashion : « On m’a toujours appris à bien traiter le cuir, mais dès lors que l’on songe à s’en défaire, sans pour autant tomber dans l’écueil du plastique, la tâche se complique ». Et pour cause : le cuir est la base de la plupart des chaussures. Deux années ont été nécessaires à la jeune créatrice afin d’élaborer des souliers dépouillés de toute trace de plastique, de toute origine animale, et mieux, uniquement composés de matières naturelles. Un casse-tête qui se présente à chaque nouveau projet : « Un jour, un de mes collaborateur me présente un fil, magnifique, pour réaliser certains points de couture. Malheureusement, comme nous n’arrivions pas à savoir s’il était ou non végan, nous avons dû y renoncer. Le traitement d’un tissu peut ne pas être végan quand bien même le tissu l’est ». Chaque tissu ou matériau doit ainsi être absolument certifié végan, et tout doute sur sa provenance reviendrait à remettre en cause l’idéologie entière de la marque. Les semelles ont ainsi nécessité une grande réflexion, la plupart des alternatives au cuir étant pour la plupart à base de pétrole. La jeune femme a du se concentrer sur des semelles en lait d’hévéa (l’arbre à caoutchouc), proposées et fabriquées artisanalement par l’entreprise française LACTAE HEVEA, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV), ayant le mérite d’être particulièrement souples. Il en va de même pour l’habillage des bottines Byrd, qui relève de la poésie, puisqu’il est réalisé en bois assoupli par un motif laser, ou comment technologie et matières naturelles peuvent aider la mode à évoluer sainement.

En supplément de ces deux contraintes du véganisme et de l’emploi de matières naturelles, qui lui ont du reste valu d’obtenir le label « PETA approved VEGAN », il est un troisième pilier cher à Coline : une fabrication certifiée U.E. C’est ainsi que tous les composants de ses souliers proviennent d’Europe, et sont assemblés en France ou en Espagne.

Mules unisexes Louise © Cémélé

En dehors de ces prouesses, pour tout designer il est nécessaire d’avoir une vision, une poésie venant enrichir toute création. Coline, et c’est assez surprenant, trouve son inspiration dans la matière brute, que l’on parle de roche ou d’architecture. « J’aime ce qui est nu, brut, minéral. Le granit, par exemple a quelque chose de pur. Il en va de même des créations du Corbusier, qui savait aller à l’essentiel, à la ligne d’importance ». Les créations de Coline sont effectivement pures, entières. Le trait ne cherche pas à biaiser le regard. Ses bottines Byrd, par exemple, paraitront peut être trop simples à certains, mais c’est qu’elles veulent l’être. Faites pour marcher sans fin, elles se détachent de toute distraction. Seuls comptent les pas. À l’inverse, concernant ses mules Louise (photo ci-dessous), réalisées pour le repos, la flânerie, la légèreté est de mise, et ce nœud improbable, pétillant, insuffle un esprit taquin à la sobriété du soulier, qui fait songer aux getas, ces souliers traditionnels japonais.

Les bottines Cémélé sont réalisées en bois assoupli au laser © Cémélé
Les bottines Cémélé sont réalisées en bois assoupli au laser © Cémélé

Du reste, l’approche créatrice de Coline s’apparente à l’appréhension de la nature qu’ont, ou qu’ont pu avoir les japonais : une affection et un respect envers elle, une admiration esthétique sans faille, et une collaboration peut-être aujourd’hui trop oubliée. En utilisant des matières naturelles, la mode végane ravive une poésie reliant l’homme à la nature. Pour autant, aux yeux de Coline, l’homme Cémélé ne vit pas en Asie. Peut-être est-ce dû à son élan créatif vers les matières brutes et minérales et son engagement pour les matières naturelles, toujours est-il que Coline envisage davantage un homme Cémélé proche des Highlands : « l’Écosse est un pays que j’aime profondément. Ses paysages ont été dévastés, malmenés et réhabilités, mais toujours, sa nature s’est réinventée malgré les changements apportés par l’homme. »

Un écossais qui porterait des mules à nœud ? « Et pourquoi pas ? Il est important, je crois, de rafraichir son regard. Si je peux porter mes bottines et mes mules, pourquoi pas un homme ? Écossais ou non ».

Finalement, en se penchant sur les créations de Coline, en songeant à leurs philosophie, l’on en vient à se demander si d’un certain coté, Cémélé ne désire pas aider l’homme à réinventer sa manière de voir les choses, de les vivre, l’aider tout en élégance à s’épurer et se (re)trouver, en s’appuyant sur un respect de la nature. Et l’on en vient alors à se demander si notre agacement devant le véganisme n’est pas le léger remord de celui qui n’a pas encore fait ce choix.

www.cemele.fr

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